
Héritage d'un passé ancestral, la peinture Aborigène contemporaine
Émergence de L'École du désert occidental, source de la peinture contemporaine
C'est en 1971, à Papunya (petite communauté située en plein cœur du désert australien, à environ 250 km au nord-ouest d'Alice Springs et à un carrefour de grands blocs culturels), "centre de peuplement" qu'ont rejoint bon gré mal gré, dès la fin des années 50, les membres de divers groupes linguistiques (warlipiri, pintupi, luritja, pitjantjajara, anmatyerre et arrernte), accusant ainsi sédentarité et appauvrissement des repères culturels, qu'éclot un mouvement pictural inédit et novateur, qui permettra à ses artistes, tout en affirmant leur identité et en dévoilant des pans de leurs savoirs traditionnels, d'être enfin visibles sur la scène artistique australienne puis internationale.
Un petit groupe d'hommes initiés, à l'instigation de Geoffrey Bardon qui enseigne aux enfants de la communauté dont il a pu observer les dessins abstraits réalisés sur le sable, vont en effet, après s'être concertés sur la possibilité de révéler ou non certains motifs rituels (initialement réalisés sur les parois rocheuses, le sol, les corps, des objets sacrés), élaborer à même l'un des murs de l'école, une peinture murale évoquant leur Rêve, celui de la Fourmi à Miel (Honey Ant). La composition raconte le voyage des ancêtres des fourmis à miel (formes en U) qui, par un tunnel souterrain (lignes parallèles), se déplacent de site en site (cercles concentriques) où ils s'adonnent au repos, à des activités quotidiennes ou cérémonielles. Il montre toute l'importance de Papunya (le plus gros des cercles concentriques), lieu vers lequel convergent les nombreuses pistes chantées relatives à ce Rêve qui s'inscrit dans un paysage plus large.
De cette expérience singulière, découle une soif inextinguible de produire des œuvres, manifestations de leur pouvoir face au projet colonial d'assimilation, sur toutes sortes de supports (bois, carton, contreplaqué, dalles de sol, plaque en fibrociment...), avant d'exprimer leur vision sensible et poétique des liens puissants qui les rattachent à la terre, sur les toiles que leur fournira l'enseignant.
Mais, comme nous explique l'historien de l'art, John Kean, "la fable populaire, avec Bardon comme auteur omniprésent, est trompeuse, car elle nie la stratégie politique astucieuse et le travail intellectuel acharné requis pour extraire les icônes traditionnelles de leur contexte cérémoniel afin de produire des images puissantes et esthétiquement équilibrées sur un format rectangulaire" et occulte par ailleurs le rôle précurseur de Kaapa Tjampitjinpa, homme anmatyerre. Ce dernier qui dirigea et participa à l'élaboration de la fameuse fresque aujourd'hui disparue (elle fut recouverte d'un badigeon par des agents d'entretien), créa le premier et de façon concomitante, des tableaux qui furent proposés à la vente et rencontrèrent un succès non négligeable puisqu'il remporta, un mois avant la création de la peinture murale à l'école de Papunya, un prix pour l'un d'entre eux, succès qui dut avoir pour effet d'inciter ses pairs à peindre (peindre leur terre, peindre leur terre pour penser à leurs rêves et maintenir le Pays) et à fonder la première coopérative d'artistes Aborigènes.
Références
CARUANA Wally, L'Art des Aborigènes d'Australie, p.107-108, Paris, Éditions Thames & Hudson, 1994.
CROSSMAN Sylvie (dir.), BAROU Jean-Pierre (dir.), Peintres aborigènes d'Australie, p. 26-31, Montpellier, Indigène éditions, 1997.
KEAN John, Digging for Honey Ants : Revisiting the Papunya Mural Project, Index Journal n° 3, 2021.

Fresque du "Rêve de la Fourmi à Miel" exécutée en 1971 sur le mur de l'école de Papunya, d'après une photographie réalisée par Allan SCOTT et extraite de CROSSMAN Sylvie (dir.), BAROU Jean-Pierre (dir.), Peintres aborigènes d'Australie, p. 26, Montpellier, Indigène éditions, 1997.
À la confluence de la Tradition et de la modernité : les Femmes peintres des communautés du désert
Le Rêve du lézard diable cornu


Kathleen Petyarre (c.1940 - 2018). Mountain Devil Lizard Dreaming (Rêve du lézard sauvage), acrylique sur toile, 102 x 102 cm, 2010. Provenance : Horizon Gallery, Victoria. Collection personnelle de l'autrice.
Le Rêve du lézard à langue bleue


Wentja Morgan Napaltjarri (née en 1945). Rockholes and Sandhills, acrylique sur toile, 152 x 122 cm, 2015. Provenance : Japingka Aboriginal Art Gallery, Fremantle, Australie. Collection personnelle de l'autrice.
Le Rêve du point d'eau sacré de Kalipinpa

Elizabeth Marks Nakamarra (née en 1959). Sans titre, acrylique sur toile, 120 x 60 cm, 2011. Collection personnelle de l'autrice.
Le Rêve du melon de brousse


Betty Mbitjana (née en 1957). Awelye, acrylique sur toile, 150 x 90 cm, 2011.
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